mardi 23 décembre 2014

L'armée furieuse de Fred Vargas

Comment faire la chronique d'un roman policier alors que l'on se penche habituellement très peu sur le genre ?
1) remercier la personne qui vous l'a prêté (merci donc à C.) et reconnaître que vous n'avez pas boudé votre plaisir, consacrant même une pleine après-midi à le terminer. Au passage, savourer la satisfaction d'avoir découvert qui était le coupable avant sa révélation. On a sa petite fierté...
2) veiller à placer votre curseur de résumé de l'intrigue assez bas car vous connaissez votre tendance à trop en dire.
3) entrer sur la pointe des pieds sachant que vous avez affaire à une auteure qui est reconnue, appréciée et dont les personnages sont récurrents donc fort familiers pour les inconditionnels.
4) vous lancer quand même malgré l'étroitesse du chemin que vous vous autorisez. Trêve de pré-requis et d'appréhensions, vous devez bien ce petit effort au genre que vous avez sciemment boudé.
Les personnages pourraient se suffire à eux-mêmes, sans histoire pour les animer, tant ils sont jubilatoires. On sent la construction progressive aboutissant à un résultat très travaillé (limite un peu trop à mon goût, j'aime assez quand un auteur m'accorde une part de gris, de flou sur un personnage, me permettant d'en ajuster le contour). Il n'empêche, c'est quand même savoureux :
Le commissaire Adamsberg, dont le charisme est tel qu'il peut obtenir à peu près tout de son équipe, malgré (ou grâce à ?) des méthodes d'investigation peu conventionnelles.
Son adjoint, le commandant Danglard, homme érudit, devant sans cesse gérer ses penchants pour la bouteille et son incapacité à dire non à Adamsberg ce qui l'entraine dans des situations périlleuses.
Veyrenc, Béarnais comme Adamsberg, en concurrence avec Danglard sur le plan de la culture, s'exprime en versifiant.
Le lieutenant Violette Retancourt, aussi colossale qu'efficace, élément infaillible de l'équipe.
C'est une fort étrange histoire qui va retenir le commissaire Adamsberg en Normandie, à Ordebec. Selon la vision de Lina Vendermot, l'Armée Furieuse, une armée fantomatique et vengeresse remontant à une légende du Moyen Age s'apprêterait à tuer ceux qu'elle a désignés comme "saisis". L'un d'entre eux, un individu brutal et détesté de tous a disparu depuis plusieurs jours mais le capitaine de gendarmerie ne semble pas accorder d'importance à cette peur ancestrale. Désavoué par les meurtres et accidents qui vont suivre, le fier capitaine doit passer le relais à Adamsberg qui accepte cette enquête troublante, occasion inespérée de mettre au vert un encombrant protégé, transfuge d'une autre enquête.
En effet, maitre de son art, Fred Vargas réussit à tisser deux affaires ensemble (je n'y ai cependant pas trouvé un intérêt comparable). La galerie de portraits des personnages du cru est assez remarquable entre la fratrie Vendermot, à la fois rejetée et inquiétante, fragile et géniale, le capitaine Emeri qui se drape dans le prestige de son ancêtre, maréchal d'Empire, et la vieille Léone qui comprend tout...
Servi par un univers onirique des plus réussis, ce "rompol" (acronyme cher à Fred Vargas) se lit bien sûr pour son intrigue mais pas seulement, loin s'en faut !

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