dimanche 21 décembre 2014

Déloger l'animal de Véronique Ovaldé

Météore ou uppercut ? J'hésite encore mais le moins que l'on puisse dire, c'est que la lecture de ce livre m'a chavirée. Comme dans "Ce que je sais de Vera Candida" (oui, j'ai commencé mon parcours Ovaldé avec celui-là), j'ai retrouvé avec bonheur l'improbabilité des lieux présentés avec un talent tel que cette géographie fictive devient matière littéraire et source d'émotions. J'ai aimé le côté "boule à facettes" des personnages : la Maman Rose qu'on imagine en princesse, même au bord du caniveau, scintillante avec sa perruque en nylon, inaccessible sur ses hauts talons, fascinante parce qu'insaisissable. Sa fille, Rose, elle aussi ("Pas Rose bis, pas Deuxième Rose, pas Bouton de Rose..."), 15 ans mais ayant l'apparence et les préoccupations d'une enfant de 7, en adoration devant sa mère, passant l'essentiel de son temps sur le toit terrasse, en compagnie de ses lapins (qu'elle mange quand même !), vêtue le plus souvent d'une cape noire avec laquelle elle pense pouvoir voler (et tente de le prouver...). Monsieur Loyal, directeur d'un cirque qui n'en est pas un, père d'adoption selon Rose, dont la bonhomie finit par être inquiétante. Madame Isis, la voisine, chignon acrobatique, tenues chatoyantes, univers de papillons, qui devient la meilleure amie de Rose et sa confidente après la disparition de Maman Rose. Oui, Maman Rose a disparu alors que sa fille était à l'hôpital (non sa cape n'avait pas de supers pouvoirs) et c'est parce qu'elle ne supporte pas la mollesse avec laquelle Monsieur Loyal considère cette disparition , que Rose tente de trouver une réponse dans le passé de sa mère qu'elle reconstitue et invente tout à la fois. L'écriture d'Ovaldé est comme une clé qui nous conduit dans les pensées de cette grande petite fille fantasmant l'histoire de sa mère et la sienne par la même occasion, pour mieux repousser son désespoir. Une écriture avec un savant dosage de candeur, de poésie, de brutalité, de rêve et de préoccupations décalées. Une écriture qui fascine, déconcerte et "uppercut"(e). 

"Je peux penser à lui et il m'apparaît sale et beau et tendre comme quelque chose qui sortirait d'une huche à pain, comme quelque chose qui serait précieux, qu'on aurait déposé dans la sciure pour ne pas le casser. Je pense à Markus M. dorénavant quand je me sens isolée dans un grand froid neigeux, quand j'ai et donne l'impression d'avoir sept ans alors que j'en ai plus du double. J'aime imaginer l'histoire de Markus M. et de ma mère."

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