jeudi 30 mars 2017

Trois saisons d'orage de Cécile Coulon

Le cadre, l'histoire et les personnages, tout me convenait à peu près. Le cadre (longuement décrit ce qui m'a plus embrouillée qu'autre chose) est assez grandiose. A l'écart de la ville, entre collines et forêts,  il est lieu de vie d'une petite communauté, celle des habitants des Fontaines, un village dépourvu des quelques services qui rendent la vie un peu plus confortable. C'est dans cet endroit perçu comme sauvage et arriéré par la ville (il faut dire que le nom, Les Trois-Gueules n'arrange rien) que des hommes au caractère âpre essaient de tirer parti d'une carrière de pierre grise ce qui leur vaut le surnom bien trouvé de "fourmis blanches" tandis que d'autres exploitent péniblement leurs fermes, plus ou moins viables. L'histoire débute juste après 1945. André, jeune médecin traumatisé par la guerre, décide de s'installer dans cet endroit reculé et intimidant. Sa présence rassure les habitants. Charismatique, dévoué, travailleur, il devient vite indispensable aux Fontaines. Lui débarque alors de la ville un fils, déjà âgé de 5 ans qui est aussitôt fasciné par son père et son cadre de vie. Benedict (Cécile Coulon est douée pour trouver les prénoms de ses personnages et pas que pour ça d'ailleurs) deviendra médecin comme André bien évidemment. En étudiant sur Lyon, lui qui est quand même moins à l'aise que son père, rencontre une femme superbe du genre belle sans être artificielle, intelligente, fascinante. Qui plus est, lassée de la ville, elle accepte de le suivre dans son coin paumé. Côté crédibilité, j'ai moyennement adhéré...
En parallèle de cette histoire d'André, Benedict, Agnès (l'épouse superbe) et Bérangère (leur fille), Cécile Coulon en tricote une autre, celle d'une famille paysanne, Maxime marié à Delphine, parents de quatre garçons aux caractères différents. On suit davantage le parcours du troisième d'entre eux, Valère, un gars bien, honnête, intelligent, travailleur et à peu près du même âge que Bérangère...
J'en étais donc arrivée là dans ce roman (une bonne centaine de pages) où tout me convenait à peu près mais commençait à m'ennuyer aussi un peu, il faut bien le reconnaître. Et puis, sans dévoiler ce que la quatrième de couverture a préservé elle aussi, disons que l'auteure a placé un ressort d'une telle puissance que je suis devenue addictive à cette lecture. Parce qu'un livre, ça ne doit pas seulement convenir mais provoquer tout autre chose qui vient titiller notre part d'humanité. 


mercredi 29 mars 2017

S'émerveiller de Belinda Cannone

C'est un peu par sérendipité que j'ai choisi ce livre. Enfin, presque mais comme j'aime bien ce mot et ce concept, j'avais envie de l'employer. Soyons honnête, j'ai cru qu'il s'agissait d'un roman. Le nom de l'auteure a joué comme un aimant car j'avais déjà apprécié l'un de ses ouvrages, Entre les bruits pour sa finesse et sa qualité d'écriture. Ensuite, j'ai eu le sentiment que ce livre faisait tout pour que je le remarque. Quand je l'ai saisi, son poids m'a surprise. Il est en effet imprimé sur du papier de belle qualité car il comporte plusieurs reproductions de photographies issues du fonds photographique de l'ARDI, association régionale pour la diffusion de l'image.
Ce livre n'est donc pas un roman mais un essai sur la notion d'émerveillement.  Ce qui intéresse l'auteure n'est pas la capacité à s'émerveiller de choses admirables ou grandioses mais bien de spectacles modestes. Belinda Cannone décortique avec intelligence la notion tout autant que les mots. Je la cite au plus près, ne voulant m'éloigner de la pertinence de son propos. Elle explique que l'émerveillement est un mouvement altruiste parce qu'il postule une altérité (un non-soi). "Hors du moi étriqué, non plus confinée dans l'ego mais le regard amoureusement tendu vers le monde, dans un sentiment de soi impersonnel : je suis intensément présente mais mes yeux sont tournés vers le dehors, je me suis oubliée pour me hisser jusqu'à l'émerveillement, accédant à cet entre-deux, à mi-chemin de l'objet et de mon moi." Belinda Cannone explore également d'autres voies proches de l'émerveillement afin de mieux circonscrire les "fanaux" du "territoire de cette notion fuyante". Ainsi elle évoque le désir, le "sentiment océanique", l'éblouissement, l'admiration. Largement étayé d'exemples personnels, cet essai a certes un ton un peu didactique mais il n'est jamais pesant car l'auteure nous associe à sa réflexion. Son travail riche et précis sur les mots tout autant que sur les pensées invite à se poser un peu et à mieux regarder ce qui peut être source d'émerveillement. 
Couleurs et matières

Quand je crois voir une colonie de phoques...
En vacances, réfléchissant à cette chronique que je n'ai en fait écrite qu'un mois plus tard, j'ai cherché à mettre en pratique le livre de Belinda Cannone. Je reconnais que l'océan, ce n'est pas vraiment de l'ordre du modeste mais bon, pour commencer...