jeudi 27 août 2015

Le livre des secrets de Fiona kidman



Elle vit seule dans cette vieille maison depuis près d'un demi-siècle sans presque jamais en sortir. Les gens l'appellent "la sorcière". Sorcière parce que recluse ou recluse parce que sorcière ? Tout cela n'a plus guère d'importance pour Maria McClure car cet isolement, d'abord contraint, elle a fini par le choisir. Est-ce un défi lancé à cette communauté qui l'a bannie autrefois et qui aujourd'hui s'en repent un peu ou n'en connait plus trop bien la raison ? Un défi ou plutôt un refuge ? Avant elle, sa grand-mère et sa mère en ont cherché : Isabella, dans une forme d'indépendance et de rébellion, Annie, à l'inverse, dans la stricte observation des règles morales et religieuses. Fiona Kidman nous relate une histoire de femmes, au sein ou face à une communauté, un groupe que l'on va suivre depuis l'Ecosse jusque la Nouvelle-Zélande sur trois générations, de 1812 à 1953. Ce groupe a un guide, Norman McLeod, seul personnage historique de cette fresque qui s'inspire de faits réels, une succession de migrations à la recherche de terres exploitables, d'abord à Pictou en Nouvelle-Ecosse puis à Sainte-Anne sur l'île du Cap Breton pour un établissement définitif à Waipu en Nouvelle-Zélande (une carte aide à suivre le périple). L'auteure a su intégrer avec intelligence ses recherches documentaires au récit et rien n'est fastidieux, au contraire. 
Maria est la dépositaire de cette histoire à la fois collective et personnelle, collective car étant âgée, elle représente la mémoire des anciens, personnelle car elle sait, pour avoir lu les cahiers d'Isabella, sa grand-mère, le prix que les femmes de sa famille ont payé au cours de cette odyssée de pionniers. Des femmes que McLeod, ministre presbytérien rigoriste, fustigeaient régulièrement au cours de ses sermons, leur rappelant sans cesse leur soumission nécessaire et naturelle (selon lui), ainsi que la moralité et la modestie qui devaient guider leur vie. Plus généralement, Fiona Kidman montre avec talent toute l'étendue de l'emprise que ce personnage à la personnalité complexe et fascinante exerçait sur le groupe, manipulant ses fidèles par une crainte constante de la dénonciation de leur indignité, adoubant parfois certains pour mieux faire retomber son courroux sur d'autres. Si Isabella a réussi, grâce à sa forte personnalité, à se maintenir au bord de l'ostracisme, Maria, quant à elle, n'y a pas échappé, payant cher sa tentative d'indépendance. 
Le livre des secrets est donc une histoire de transmission, d'héritage renié ou assumé, une histoire de femmes courageuses et émouvantes qui trouvent la force d'affirmer leur sensibilité, leur personnalité au sein d'un groupe ou d'une famille qui ne pense qu'à les amalgamer comme une pâte malléable. Ces femmes qui ont décidé d'être leur propre matériau nous offrent une très belle leçon d'émancipation.

2 commentaires:

  1. Voici un sujet qui me parle ! Apparemment de beaux portraits de femmes. Est-ce un livre qui vient de sortir ? Je n'en avais jamais entendu parler.

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    1. Apparemment, il est de 2014 (je viens de vérifier sur Babelio). Moi non plus, je n'en avais pas entendu parler. C'est mon libraire qui me l'a déniché quand je lui ai dit que j'avais envie de lire une grande fresque.
      De très beaux portraits de femmes, en effet.

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