Merci à O. pour le prêt de ce livre |
Intimidée. Après réflexion, c'est le terme le plus
honnête pour qualifier l'impression que j'ai ressentie au cours de cette
lecture, ce qui ne me place pas dans une grande aisance pour rédiger ces
quelques lignes. Il faut du talent pour s'emparer du cycle arthurien et
revisiter un pareil monument de la littérature médiévale. C'est une Matière
tellement travaillée, nourricière au long cours, présente à des degrés divers
dans l'imaginaire de chacun, même
maladroitement, avec toute la fausseté liée à l'imprégnation des images télévisuelles
(qui n'a pas sa vision d'Arthur, de
Guenièvre ou de Merlin façon petit écran ?) que je reconnais à Michel Rio bien
de l'audace pour s'y être attelé. L'auteur connaît son affaire, postulat
nécessaire pour s'approprier ce riche matériau et, c'est tout l'intérêt, en
proposer une version personnelle (entreprise que l'auteur qualifie lui-même de
"scandaleuse appropriation"). L'auteur sait écrire. Dès les premières
lignes, la qualité d'écriture est limite intimidante. L'auteur nous propose une
version philosophique fort riche dans laquelle Merlin n'est pas un magicien
mais un être qui concentre tous les savoirs et qui met sa science au service de
l'éducation des rois, notamment celle d'Arthur. L'objectif est d'instaurer un
pouvoir nouveau où violence et guerre s'effacent face au courage, à la sagesse
et à la justice, le symbole de ce pouvoir étant bien sûr la Table Ronde. Un tel
projet exclut toute dérive causée par l'amour fou, ce que d'aucuns qualifieront
d'utopique.
Le titre nous indique par son
éponymie sur qui est centré le récit. Il fait cependant une place particulière
à Arthur (on s'en doutait) ainsi qu'à sa demi-sœur et amour impossible, Morgane.
D'ailleurs, Merlin fait partie d'une
trilogie, les autres ouvrages apportant les points de vue de ces deux personnages.
Guenièvre apparaît mais en marge. J'ai
aimé l'opposition des deux beautés, décrites dans des termes choisis, celle de
Guenièvre, incontestable mais qui inspire l'ennui, celle de Morgane, à couper
le souffle. Les aficionados de Lancelot seront peut-être déçus. Comme
Guenièvre, son aimée, l'auteur ne lui accorde qu'une place minime, lui qui est pourtant
si valorisé par Chrétien de Troyes. Pour apprécier ce livre, il faut accepter cette distanciation avec la tradition que l'auteur assume et sur laquelle il prévient (je l'aurais plutôt vue en préface qu'en postface d'ailleurs). "Scandaleuse appropriation", peut-être, talentueuse, sûrement.
On m'avait parlé en de très bons termes de cet auteur et de cette trilogie en particulier, il y a bien des années de cela. Je ne l'avais alors pas lu.
RépondreSupprimerC'est bien de ressortir d'anciens textes parfois. Celui-ci, à te lire, ne semble pas avoir vieilli et mérite vraisemblablement qu'on l'exhume des bibliothèques. Merci pour cette intéressante chronique.
En effet, ce texte mérite d'être découvert ou redécouvert. Sa qualité littéraire est remarquable. Et puis, parfois, je trouve que ça fait du bien d'avoir un parcours de lecture personnel et de ne pas systématiquement aller vers les livres dont on parle sur le moment. C'est une tendance qui pourrait me guetter, à tenir ce blog et j'essaie de la contrer.
SupprimerOh que je suis tentée!!!! Tu sais qu'à la fac, j'avais étudié Chrétien de Troyes, et je dois dire que cette "scandaleuse appropriation" me séduit terriblement. Est-ce accessible? Je crains toujours le trop d'érudition qui laissera sur le côté ceux, comme moi, qui n'ont pas nécessairement le bagage culturel, pour saisir toutes les subtilités. Il est complètement noté quand même. Cette légende est vraiment entré dans l'imaginaire collectif, et je dois avouer que j'ai toujours préféré le mari "desaimé" au chevalier épris....
RépondreSupprimerOh oui, c'est accessible (très bien écrit mais accessible) et je pense que tu as largement le bagage culturel pour te l'approprier.
SupprimerOk pour ton chouchou, tu ne seras donc pas déçue que Lancelot soit relégué sur le banc des outsiders (avec Guenièvre, ceci dit...).
Thank you for sharing.
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