Elle vit seule dans cette vieille maison depuis près
d'un demi-siècle sans presque jamais en sortir. Les gens l'appellent "la
sorcière". Sorcière parce que recluse ou recluse parce que sorcière ? Tout
cela n'a plus guère d'importance pour Maria McClure car cet isolement, d'abord
contraint, elle a fini par le choisir. Est-ce un défi lancé à cette communauté
qui l'a bannie autrefois et qui aujourd'hui s'en repent un peu ou n'en connait
plus trop bien la raison ? Un défi ou plutôt un refuge ? Avant elle, sa grand-mère et
sa mère en ont cherché : Isabella, dans une forme d'indépendance et de
rébellion, Annie, à l'inverse, dans la stricte observation des règles morales et
religieuses. Fiona Kidman nous relate une histoire de femmes, au sein ou face à
une communauté, un groupe que l'on va suivre depuis l'Ecosse jusque la
Nouvelle-Zélande sur trois générations, de 1812 à 1953. Ce groupe a un guide, Norman
McLeod, seul personnage historique de cette fresque qui s'inspire de faits
réels, une succession de migrations à la recherche de terres exploitables,
d'abord à Pictou en Nouvelle-Ecosse puis à Sainte-Anne sur l'île du Cap Breton
pour un établissement définitif à Waipu en Nouvelle-Zélande (une carte aide à
suivre le périple). L'auteure a su intégrer avec intelligence ses recherches
documentaires au récit et rien n'est fastidieux, au contraire.
Maria
est la dépositaire de cette histoire à la fois collective et personnelle,
collective car étant âgée, elle représente la mémoire des anciens, personnelle
car elle sait, pour avoir lu les cahiers d'Isabella, sa grand-mère, le prix que
les femmes de sa famille ont payé au cours de cette odyssée de pionniers. Des femmes
que McLeod, ministre presbytérien rigoriste, fustigeaient régulièrement au
cours de ses sermons, leur rappelant sans cesse leur soumission nécessaire et
naturelle (selon lui), ainsi que la moralité et la modestie qui devaient guider leur vie. Plus généralement, Fiona Kidman montre avec talent toute l'étendue de l'emprise que ce personnage à la personnalité complexe et fascinante exerçait sur le groupe, manipulant ses fidèles par une crainte constante de la dénonciation de leur indignité, adoubant parfois certains pour mieux faire retomber son courroux sur d'autres. Si Isabella a réussi, grâce à sa forte personnalité, à se maintenir au bord de l'ostracisme, Maria, quant à elle, n'y a pas échappé, payant cher sa tentative d'indépendance.
Le livre des secrets est donc une histoire de transmission, d'héritage renié ou assumé, une histoire de femmes courageuses et émouvantes qui trouvent la force d'affirmer leur sensibilité, leur personnalité au sein d'un groupe ou d'une famille qui ne pense qu'à les amalgamer comme une pâte malléable. Ces femmes qui ont décidé d'être leur propre matériau nous offrent une très belle leçon d'émancipation.
Le livre des secrets est donc une histoire de transmission, d'héritage renié ou assumé, une histoire de femmes courageuses et émouvantes qui trouvent la force d'affirmer leur sensibilité, leur personnalité au sein d'un groupe ou d'une famille qui ne pense qu'à les amalgamer comme une pâte malléable. Ces femmes qui ont décidé d'être leur propre matériau nous offrent une très belle leçon d'émancipation.
Voici un sujet qui me parle ! Apparemment de beaux portraits de femmes. Est-ce un livre qui vient de sortir ? Je n'en avais jamais entendu parler.
RépondreSupprimerApparemment, il est de 2014 (je viens de vérifier sur Babelio). Moi non plus, je n'en avais pas entendu parler. C'est mon libraire qui me l'a déniché quand je lui ai dit que j'avais envie de lire une grande fresque.
SupprimerDe très beaux portraits de femmes, en effet.