vendredi 6 mars 2015

La vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker

A lire les chroniques de ce blog, on pourrait croire que j'accorde mon enthousiasme le plus total, mon feu vert permanent, mon admiration sans borne à toutes mes lectures. Non, je ne suis pas une lectrice Bisounours et tout ce que je lis ne me plait pas, ne m'agrée pas toujours pleinement. J'ai simplement décidé de ne publier que les chroniques (et je préfère employer ce mot à celui de critique) des livres que je conseille. 
Je vais faire une exception avec ce livre parce que c'est un best-seller et parce qu'il a reçu des prix. Chacun se fera ensuite sa propre opinion. 

La couverture du livre m’adressait deux promesses… Avec son titre comportant les mots « vérité » et  « affaire »,  je m’attendais à une intrigue policière, assez tarabiscotée qui plus est. Avec la mention « Grand Prix du roman de l’Académie française »,  j’espérais  (j’étais en droit d’attendre me semble-t-il…oui, je suis une lectrice qui jusqu'à présent accordait sa confiance aux prix littéraires) une écriture de qualité. J’ai eu l’une sans avoir l’autre.
Côté intrigue, le contrat est rempli, presque trop d’ailleurs…, un peu de modération dans les rebondissements aurait été appréciable selon moi. Mais passons, c’est le levier principal d’un livre policier : chaque lecteur a la faiblesse de vouloir savoir ce qui s’est passé, ne serait-ce que pour jauger le bien-fondé de ses propres hypothèses. Et plus celles-ci sont bousculées, plus le lecteur s’obstine car le joueur, le détective sommeille en lui.
Il y a donc fort à parier que ce livre, dont le style m'a paru mauvais, n’a été que peu abandonné par ses lecteurs. Véritable exploit car le nombre de pages est conséquent.
La construction complexe, avec de multiples retours en arrière, ne figure pas parmi les plus subtiles qu'il m'ait été donné de lire mais là encore, j'accorde mon indulgence. La tentative est louable.
L’intrigue, nourrie par des rebondissements multiples et une construction savante (ou essayant de l'être) peut-elle faire oublier le style ? Pour ma part, c’est non. Pourtant, je l’ai lu jusqu’au bout, n’échappant pas à l’envie d’avoir raison sur le coupable…
Fallait-il que les dialogues amoureux soient aussi mièvres pour que l’on croie ou que l’on cautionne l’amour de ces deux personnages à l’écart d’âge dérangeant ? Fallait-il que les conversations téléphoniques avec la mère du héros soient aussi caricaturales pour essayer de nous faire sourire ? Fallait-il que l’éditeur soit un être aussi grossier et sordide pour que sa noirceur fasse ressortir la pureté supposée du personnage principal qui blanchit de sa plume l'honneur bafoué de son ami ? Une pureté  négociée à un million de dollars, ça laisse perplexe...
Mais le plus agaçant, selon moi, ce sont les grandes vérités qui émaillent le livre (31 fois, rien que ça…)  sur ce qui fait d'un livre, un "bon livre" et  d'un écrivain, un "grand écrivain". Vu le niveau de style des pages qui encadrent ces passages, on peine à être convaincu de la légitimité de l'auteur (au passage, ce mot existe et son emploi aurait évité la répétition soûlante  du mot "écrivain") en tant que conseilleur dans ce domaine. Oui, je sais bien, ce n'est pas un essai ni un ouvrage scientifique sur l'art d'écrire... mais pourquoi alourdir le livre avec ces grosses ficelles, on l'avait bien compris que Harry était le mentor de Marcus !
Là, mon indulgence n'en pouvait plus car j'ai trouvé la démarche d’un ennui profond. Franchement, qu’apprend-on ? Je cite le conseil numéro 16 : « Harry, combien de temps faut-il pour écrire un livre ? - ça dépend. – ça dépend de quoi ? – de tout ». Muni d’un renseignement aussi essentiel, on est paré !
L'ennui a cédé la place à l'agacement quand Harry, le mentor s'est mis en tête de renseigner son poulain sur les attentes supposées des lecteurs. Il lui apprend que le premier chapitre est essentiel car sinon, le lecteur n'ira pas au-delà. Ah bon ? Je ne savais pas que le premier chapitre constituait l'artefact absolu, le grand canyon rejetant sur deux rives opposées, les "j'abandonne" et les "je continue".
Autre conseil, il faut servir un dernier rebondissement, histoire de « garder jusqu'au bout son lecteur en haleine » (heu, il a passé le cap fatidique du premier chapitre, tout va bien !). Non, parfois non, quantité ne fait pas qualité, le mieux est l'ennemi du bien, point trop n'en faut, à trop vouloir..., je peux ressortir tous les adages et phrases toutes faites en la matière mais franchement ce manque de finesse va finir par lasser, comme quoi, oui, le style compte quand même un peu.

5 commentaires:

  1. Rha la la, entièrement d'accord, ce roman a été écrit à la truelle, c'est incroyable qu'il ait eu le prix de l'Académie française, je n'en reviens toujours pas. D'accord aussi avec les "grandes vérités" sur la littérature, les prétendus extraits du chef d'oeuvre, le trop de rebondissements...oui oui oui...
    ...mais je dois quand même dire que je l'ai lu en 3 jours, ferrée que j'étais par Dicker...j'en voyais tous les défauts mais impossible de le lâcher quand même.
    Votre chronique est réjouissante.

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  2. Pareil pour moi ! Je l'ai quasi dévoré, tout en me fustigeant d'une telle faiblesse...

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  3. D'accord avec vous deux. Je n'ai pas boudé mon plaisir à le lire, mais de là à lui attribuer un tel prix...

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  4. je crois bien qu'à l'époque j'ai rédigé une chronique assassine... comme Galéa je reste ulcérée qu'il ait reçu ce prix , en plus...

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    1. Oui, je te confirme, je viens d'aller la lire. A l'époque (2012...), apparemment, tu étais une des premières à ne pas te pâmer d'admiration...

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