Envisager de
devenir un caillou n’est pas à proprement parler une ambition courante.
Pourtant c’est celle qui anime notre narratrice, si tenté qu’on soit d'employer le verbe animer
pour qualifier un désir d’inertie. La narratrice dont l'auteur ne nous donnera
jamais le prénom végète dans un petit appartement parisien dont elle ne sort
presque jamais. Elle a démissionné de son poste de professeur de français et
vit d'extras en tant que serveuse dans un bar. Elle a réduit ses besoins, sa
syntaxe et sa vie en général. Elle semble flotter dans une sorte d'état
intermédiaire, détachée des choses, ni franchement malheureuse mais pas
heureuse pour autant, nostalgique d'un amour déçu. Sa vie sociale se limite à
ses voisins, bien plus âgés qu'elle, d'abord Madame Vallé, confinée elle aussi,
car souffrant d'éléphantiasis et surtout Monsieur Bernard, un curieux
personnage (aussi insolite que sa voisine dont on aura compris le côté barré indéniable), retraité de l'Imprimerie nationale,
grand amateur de sculpture, érudit sur le sujet et sculpteur lui-même.
Après la disparition de Monsieur Bernard, celle qui ambitionne de se minéraliser prend enfin une décision qui rassure ses parents, partir pour la Corse sur les traces de son voisin qui aimait à y séjourner régulièrement. A Acqua Doria, de manière presque évidente, elle se sent en accord avec les paysages, les couleurs, les odeurs et les gens. Elle trouve aussi une justification à son existence, à mi-chemin entre la pénitence et la création et ce, sans renier son désir minéral.
C'est peu de dire que ce livre est singulier. Je sens déjà que mes mots vont être ternes au regard de la beauté et de la force qui se dégagent de cette écriture. Le ton est unique, l'auteur a réussi une symbiose impressionnante en combinant un appel aux sens (les odeurs et le toucher sont très présents), des émotions tout en délicatesse, des dialogues désopilants, une réflexion sous-jacente, le tout avec une alternance de mélancolie, de détachement, d'humour et de poésie. C'est moderne, original, déroutant et quand on s'est enfin arrimé au rocher qui est comme un personnage de l'histoire et que l'on pense ne plus pouvoir être déstabilisé, l'auteur nous propose une nouvelle lecture.
J'ai tenté le livre dont je n'avais pas encore entendu parler, bonne pioche de Petit Poucet.
Contrairement à toi, ce n'est pas la première fois que je vois passer ce livre, et dans des termes toujours élogieux.
RépondreSupprimerEn outre, j'aime beaucoup la couv. A tenter...
Comment tu fais pour ne pas avoir entendu parler de ce livre, il a été sur tous les blogs pendant un moment (fruit sans doute d'une service de presse assez massif sur la blogo). Du coup, j'ai passé ma route, car il faut bien le dire, il y avait pas mal de billets complaisants (ou du moins qui tentaient de modérer les bémols). A ma connaissance tu es la seule qui le présente comme ça ce livre, et je reconnais que tu me donnes vraiment envie de le lire, j'adore les fins qui proposent une nouvelle lecture de l'ensemble...je ne lui ferme pas la porte alors.
RépondreSupprimerMoi, j'ai plutôt le souvenir de billets enthousiastes, notamment celui d'Aifelle ou de Jérôme... Mais c'est vrai en tout cas qu'il était difficile d'y échapper ;-)
SupprimerLes filles, je vous assure que je n'en avais pas du tout entendu parler. Je dois dire que je suis très amateure en matière de blogosphère...Je n'ai pas le fameux agrégateur de flux et du coup, je vais lire quelques blogs (sans doute pas assez) par-ci par là, sans organisation particulière.
SupprimerCe livre a donc été lu et chroniqué sans influence aucune.
Mais maintenant, j'ai bien envie d'aller lire ce que les autres en disent !
Moi non plus je n'ai pas d'agrégateur de flux, et comme je suis une vraie bille, je ne sais même pas ce que c'est... si tu as des infos là-dessus, ça m'intéresse ;-)
SupprimerJe suis sûre que tu es quand même plus douée que moi côté technique, je le vois à l'ergonomie de ton site ;-)
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