Je remercie la personne ;-) qui a compris que ce livre allait me plaire et qui me l'a prêté. |
Une sorte de grâce dès les premières
lignes, le sentiment rare que chaque mot est juste, ni précieux, ni fade et que les phrases, sans forcer, vont se
dérouler avec limpidité. Cette écriture à l’élégance discrète s’accorde
parfaitement à la grande sensibilité avec laquelle les personnages sont
abordés.
Qu’ils soient notables, fermières ou
servantes, Chantal Creusot considère ses personnages avec la même délicatesse,
n’accordant à aucun un statut plus important, rétablissant par cette équité
narrative une humanité salvatrice. Ce parti pris de l’absence de personnage
principal peut surprendre voire déranger, j’y ai vu une grande générosité.
Plonger dans Mai en automne, c’est donc parcourir un magnifique roman fresque qui déploie ses personnages sur trois
générations et entrecroise leurs histoires familiales dans la première
moitié du XXème siècle.
Ce roman pourrait inspirer les cinéastes,
du moins ceux qui considèrent que la vie des gens, même dans leur simplicité
est un matériau suffisant. Imaginons un instant la caméra posée sur eux...
Nous sommes dans les années 30/40 sur les
côtes du Cotentin. Premier tableau. Le cadre : une belle maison, un parc
avec tilleul et une allée de graviers, signes de l’appartenance bourgeoise de
ses propriétaires. Lucile Vermont épouse Vuillard, pose un regard las sur cet
intérieur familier qui témoigne de ses origines. Elle est d’humeur sombre comme
toujours. Son mari, Pierre s’est isolé dans son bureau pour fuir cette femme
qu’il n’aime plus mais qu’il ne quittera pas. Dans sa chambre, Marianne fomente
un défi nouveau qui attirera sur elle l’attention de son père tant aimé.
Second tableau : une ferme plutôt
prospère dirigée de main de maître par la veuve Laloy. Elle observe, perplexe, sa servante Marie, jeune femme énigmatique dont on ne sait si elle est sotte ou
forte de son indifférence au monde.
Troisième tableau : chez les
Laribière, Jacques se détourne de Madeleine, incapable de résister
aux caprices de Simon, leur fils. Pourquoi cet enfant est-il si ombrageux alors
même que sa mère semble d’humeur égale, d’une insouciance presque
agaçante ? Pourquoi lui, l’avocat brillant s’est-il enlisé dans ce mariage
ennuyeux ?
Quatrième tableau : Michelle Lamaury
regarde avec indulgence sa sœur cadette Solange. Son indolence, son don pour
la vie l’émeuvent alors qu’elle même n’offre aux autres qu’une image rigide,
corsetée d’idéalisme.
Cinquième tableau : Hélène Darban
pose un regard satisfait sur elle-même. Elle se sait belle et libre, mariée
certes contre son gré mais ayant réussi à ériger le faux-semblant conjugal en une forme d'indépendance.
Voilà, éloignons-nous maintenant. Ils vont se croiser, se recevoir, s'apprécier plus ou moins, se reconnaître du même monde ou pas. Parfois, ils seront au service de, mais finiront par imposer doucement leur présence comme essentielle. Ils vont se fiancer et ces fiançailles de circonstance donneront trop souvent des mariages maussades, difficiles cependant à défaire dans cette province des années 40 encore lourde du poids des convenances. La guerre les marquera et pourtant, une génération succédera à une autre, riche (ou encombrée, c'est selon) de ses histoires héritées.
Ce livre aux tonalités balzaciennes, ce magnifique et unique roman de Chantal Creusot, nous offre avec délicatesse et émotion, une jolie leçon d'universalité.
Je ne connais pas du tout, mais ce que tu en dis est tout à fait intéressant !
RépondreSupprimer(Et tu m'appâtes avec les tonalités balzaciennes ;-)
Oui, oui, des tonalités balzaciennes (moi aussi, j'adore !). C'est un livre de style classique, vraiment très bien écrit avec une finesse d'analyse des personnages comme je n'en ai pas lu depuis longtemps.
SupprimerJ'espère que tu l'aimeras...
Je l'ai presque terminé à regret; un très bon moment de belle lecture
RépondreSupprimerJe l'ai presque terminé à regret; un très bon moment de belle lecture
RépondreSupprimerJe suis contente qu'il vous ait plu. C'est en effet un livre à l'écriture très délicate.
SupprimerMerci de votre passage sur mon blog !