jeudi 22 janvier 2015

L'Île du Point Némo de Jean-Marie Blas de Roblès

Ce livre est un véritable feu d’artifice : des fusées colorées qui racontent chacune leur histoire et dont on pressent qu’elles vont finir par crépiter ensemble pour nous livrer une apothéose scintillante des plus inouïes.
D’un point de vue plus rigoureux, il s’agit d’un procédé de mise en abyme ou plutôt de « mise en abysse » car avec « Némo » dans le titre, on s’attend quand même à embarquer dans le fameux Nautilus.
Revenons à nos élucubrations pyrotechniques. De toutes façons, la rigueur ne sied pas à ce roman foisonnant. Le récit enchâssé (dont on se demande d’ailleurs s’il n’est pas « châsse » lui-même tant il prend la première place) est une histoire à la fois lue et imaginée par Arnaud Méneste, dans la plus pure tradition des lectures orales qui accompagnent le travail des cigarières caribéennes. C’est la fusée la plus brillante de l’ensemble. Elle tient à la fois de la poursuite d'un trésor et du tour du monde,  à la Jules Verne bien sûr. Son éclat se nourrit d’érudition (désormais, je sais ce que signifie « apocoloquintose »), de rebondissements et d’une inventivité débridée, le tout dans un espace-temps dont on finit par deviner qu’il se place dans un futur masqué par les habits du passé. Tous les moyens de locomotion (sur terre, sur mer et dans les airs, selon la formule consacrée)  sont convoqués pour servir cette odyssée frénétique dans laquelle sont embarqués Martial Canterel, gentleman opiomane, un certain Holmes dont le prénom n’est pas Sherlock, une gouvernante efficace, un majordome qui lui rend la pareille, une lady plantureuse et sa fille ensommeillée.
Les fusées « secondaires » sont constituées par les histoires respectives des employés et du directeur de B@bil Books, une usine d’assemblage de liseuses numériques qui s’est installée dans les locaux d’une fabrique de tabac après sa faillite. En effet, malgré les efforts d’Arnaud et de son épouse Dulcie, le cigare du Périgord ne trouve pas preneur. L’exotisme lui fait défaut. Evidemment, censées se dérouler dans la « vraie » vie, leur éclat est terni par la glèbe du quotidien. Ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher le merveilleux mais peu importe, l’autre histoire en fournit suffisamment.
Prémices d’un crépitement concerté, un pigeon traverse, en bon voyageur, les deux histoires. Elles finissent par fusionner, au terme « d’une longue approche en hélice ».

Je ne suis pas sûre d’avoir saisi tous les ressorts de ce roman qui m’a fait penser à un cabinet des merveilles. J’en perçois les clins d’œil. Ils sont lumineux d’intelligence, de fantaisie, d’hommages rendus aux auteurs, aux lecteurs et aux livres (avec couverture, pages, encre…). Oui, une véritable symphonie colorée, cette « île du Point Némo ».

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