Ce livre est un véritable feu d’artifice :
des fusées colorées qui racontent chacune leur histoire et dont on pressent
qu’elles vont finir par crépiter ensemble pour nous livrer une apothéose
scintillante des plus inouïes.
D’un point de vue plus rigoureux, il
s’agit d’un procédé de mise en abyme ou plutôt de « mise en abysse »
car avec « Némo » dans le titre, on s’attend quand même à embarquer
dans le fameux Nautilus.
Revenons à nos élucubrations
pyrotechniques. De toutes façons, la rigueur ne sied pas à ce roman foisonnant.
Le récit enchâssé (dont on se demande d’ailleurs s’il n’est pas
« châsse » lui-même tant il prend la première place) est une histoire
à la fois lue et imaginée par Arnaud Méneste, dans la plus pure tradition des
lectures orales qui accompagnent le travail des cigarières caribéennes. C’est
la fusée la plus brillante de l’ensemble. Elle tient à la fois de la poursuite
d'un trésor et du tour du monde, à la
Jules Verne bien sûr. Son éclat se nourrit d’érudition (désormais, je sais ce
que signifie « apocoloquintose »), de rebondissements et d’une
inventivité débridée, le tout dans un espace-temps dont on finit par deviner
qu’il se place dans un futur masqué par les habits du passé. Tous les moyens de
locomotion (sur terre, sur mer et dans les airs, selon la formule consacrée) sont convoqués pour servir cette odyssée
frénétique dans laquelle sont embarqués Martial Canterel, gentleman opiomane,
un certain Holmes dont le prénom n’est pas Sherlock, une gouvernante efficace,
un majordome qui lui rend la pareille, une lady plantureuse et sa fille
ensommeillée.
Les fusées « secondaires » sont
constituées par les histoires respectives des employés et du directeur de B@bil
Books, une usine d’assemblage de liseuses numériques qui s’est installée dans
les locaux d’une fabrique de tabac après sa faillite. En effet, malgré les
efforts d’Arnaud et de son épouse Dulcie, le cigare du Périgord ne trouve pas
preneur. L’exotisme lui fait défaut. Evidemment, censées se dérouler dans la
« vraie » vie, leur éclat est terni par la glèbe du quotidien. Ce
n’est pas de ce côté qu’il faut chercher le merveilleux mais peu importe, l’autre
histoire en fournit suffisamment.
Prémices d’un crépitement concerté, un
pigeon traverse, en bon voyageur, les deux histoires. Elles finissent par
fusionner, au terme « d’une longue approche en hélice ».
Je ne suis pas sûre d’avoir saisi tous les
ressorts de ce roman qui m’a fait penser à un cabinet des merveilles. J’en
perçois les clins d’œil. Ils sont lumineux d’intelligence, de fantaisie,
d’hommages rendus aux auteurs, aux
lecteurs et aux livres (avec couverture, pages, encre…). Oui, une véritable
symphonie colorée, cette « île du Point Némo ».
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