vendredi 2 janvier 2015

Les hommes en général me plaisent beaucoup de Véronique Ovaldé



Les romans de Véronique Ovaldé en général me plaisent beaucoup. Pourquoi ? Je pourrai répondre que cet auteur a un style singulier. D'accord,  mais pas suffisant. D'autres auteurs ont un style bien à eux, une patte, une touche, qu'on retrouve avec impatience à chaque nouveau livre, sur lequel on s'est en général rué et qui nous procure, une fois achevé, la satisfaction de l' attente comblée. Qu'est-ce qui, dans sa singularité, m'émeut, me touche ? Je pense que c'est parce qu'elle a une sorte de grâce, une élégance qui tient dans la contradiction entre la noirceur des thèmes abordés (ce livre-ci n'y échappe pas) et l'apparente spontanéité, fraîcheur du ton. J'ai failli employer le mot "candeur", cela tient peut être au fait que dans les trois romans que j'ai lus d'elle, l'héroïne est à chaque fois très jeune. Pourtant, les mots sont parfois très crus. Le titre de cet ouvrage en est d'ailleurs comme une promesse. Puisque j'en viens en parler du titre, réglons-lui son sort une bonne fois. Bien évidemment, il interpelle, c'est sa mission, mais je pense que Véronique Ovaldé a été mieux inspirée avec des titres comme Déloger l'animal ou La grâce des brigands. Cette phrase, "les hommes en général me plaisent beaucoup", prononcée une seule fois par Lili, l'héroïne, ne sert pas, à mon sens, la cause du livre. Ce n'est pas tant parce qu'elle pourrait choquer (quoi que...) mais parce qu'elle ne correspond pas à l'état de soumission dans laquelle se trouve Lili vis-à-vis du seul Yoïm. La relation d'amour et de dépendance qu'elle a avec lui est unique. Avec Samuel, si beau et si doux (mais peut-être ennuyeux), elle n'éprouve en fait que de la reconnaissance, une forme de gratitude pour l'avoir sortie de prison, prison où elle a séjourné entre 15 et 18 ans, conséquence directe de sa relation avec Yoïm qui pouvait (à grands renforts de petites pilules blanches tout de même) lui faire faire n'importe quoi.
Il faut dire que la loupiote (elle n'a alors que 14 ans) ne vivait pas inondée d'amour et de réconfort non plus, seule avec son petit frère devenu quasi muet suite au décès de leur mère, obligée d'obéir à un père nazi-fanatique, paranoïaque et hypocondriaque par substitution, transformant la maison en cache d'armes, les honorant de sa présence toute militaire, environ une fois par mois pour les ravitailler en gâteaux secs. On peut trouver  plus équilibrant tout de même.
Alors, inéluctablement, lorsque ce voisin en apparence providentiel s'intéresse un peu à elle, c'est une totale carte blanche sur elle-même qu'elle offre. Bien évidemment, Prince charmant, il n'est pas et, sans scrupule, pour ses 14 ans, en fait sa maîtresse et pire sa complice.
Neuf ans plus tard, la petite Lili fait beaucoup d'efforts pour paraître réparée de cette enfance toute cassée mais très vite le verrou que Samuel et elle ont posé sur le passé, se grippe. Présage ? Les animaux du zoo tout proche se sont-ils réellement enfuis ? Est-ce le fascinant Yoïm qu'elle a aperçu ? Comment, alors qu'elle est consciente de sa dépendance, réussir à s'en affranchir ? Choisira-t-elle une résilience douce ou brutale ?

Une géographie fictive toujours aussi charmante (je l'avais évoquée pour Ce que je sais de Vera Candida) , un onirisme animalier particulièrement original, des thèmes forts (on l'aura compris), un mélange improbable de brutalité et de fraîcheur, présenté comme un bouquet dense, des espérances certes ténues mais bien réelles, bref, un assemblage subtil que Véronique Ovaldé maîtrise à merveille et qui plait (en général...). 

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