dimanche 3 janvier 2016

D'après une histoire vraie de Delphine de Vigan

J’aurais sans doute bien aimé ne pas aimer ce livre, cela m'aurait confortée dans l'idée que non, vraiment non, l'autofiction, un auteur qui se met en scène comme personnage, ça ne m'intéresse pas. 
Ça ne m'intéresse toujours pas d'ailleurs et j'ai lu les premières pages, un peu agacée, non pas tant sur le fait que Delphine de Vigan insiste sur la surprise qu'a représenté pour elle l'énorme succès de son précédent livre (je la crois sincère et j'ai apprécié ce livre) mais sur le principe même qu'elle parle d'elle, de sa personnalité un peu bancale, utilise son vrai prénom, parle de l'homme qu'elle aime... Pour moi et c'est sans doute naïf, l'écrivain en tant qu'individu ne doit pas être trop transparent sinon, je ne vois que lui ou elle et pas assez son œuvre. Autrement dit, entre ce livre et moi, ce n'était pas gagné.
Mais c'est un livre intelligent, bien écrit et qui questionne des thèmes riches :  le rôle de la littérature,  ce qu'attendent les lecteurs, le rapport de l'écrivain à son lectorat. Parce qu'on a dû lui poser la question un nombre de fois incalculable, Delphine de Vigan triture la part du vrai, de l'authentique, du réel, de l'autobiographie et de la valeur  (surestimée ?) qu'on leur accorde. Comme sur un ring, elle met cette part de vrai en compétition avec la fiction. Elle le fait via deux personnages, elle-même qui défend l'idée de la fiction (parce qu'elle a morflé en écrivant sur elle et aimerait peut-être passer à autre chose) et L. une femme qui va progressivement s'inviter dans sa vie et s'y imposer de manière presque exclusive, L. qui tente de la convaincre que les lecteurs s'en tamponnent désormais de la fiction dans les livres (la télé fait ça très bien) et qu'elle n'a pas intérêt à les décevoir maintenant qu'ils ont goûté à sa part de vrai. Les arguments qui s'opposent sont riches, nombreux, pertinents. Le lecteur qui a peut-être lu un genre plutôt que l'autre, se sent interpellé. Lui aussi, il est sur le ring... Mais les limites sont-elles si nettes ? Delphine de Vigan donne dans ce roman qui impressionne par sa maîtrise, une subtile leçon de brouillage des pistes, à tel point que c'est tout juste si, au terme de la lecture, on ne se demande pas qui est l'auteur....
Le personnage le plus abouti, le plus travaillé psychologiquement n'est pas, comme on aurait pu le croire l'auteur-personnage mais finalement cette mystérieuse L. (initiale choisie pour la prononciation en "elle" ?). L. avance sa stratégie de manipulation sournoisement, à moins qu'elle ne soit elle-même qu'un pantin de personnage, dont l'auteur dispose. 

2 commentaires:

  1. Ah Ah ! Impossible de ne pas aimer ce livre ? Je partage cette affirmation ! En plus, contrairement à toi, je trouve l'autofiction absolument passionnante. J'adore cette forme de complicité qui se noue entre l'auteur et son lecteur, qui se transforme ici en un véritable jeu de chat et de souris. Ce roman est brillant, cela me semble incontestable, et je suis ravie qu'il t'ai plu... même si c'est à ton corps défendant ;-)

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  2. Je partage tes réserves sur l'autofiction, et la posture initiale de l'auteur-narrateur (l'usage des mêmes prénoms que dans la réalité etc.) m'ont beaucoup gênée. Pourtant, ce roman m'a troublée aussi. Je rejoins donc totalement tes impressions de lecture (même si demeure un petit malaise, sans doute voulu par le roman, d'une certaine façon).

    (Et j'ai enfin répondu au Blogger Recognition Award : merci de m'avoir taguée :D )

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