Un rectangle jaune dans la nuit, la fenêtre
éclairée d’une isba : l’envie de s’approcher et de regarder à l’intérieur.
L’ensemble est sobre, presque austère. Dans un angle, un poêle ronfle et sur
une table basse, un thé qu’on devine réconfortant laisse échapper ses volutes
fumantes. Ce pourrait être le décor d’une des nouvelles de Iouri Kazakov,
nouvelles écrites entre 1954 et 1958 et rassemblées dans cet ouvrage. Des scènes
de vie qui animent des protagonistes ordinaires magnifiés par la justesse de
leurs sentiments. Leurs histoires amoureuses sont parfois contrariées, parfois
balbutiantes voire maladroites mais toujours présentées avec une sincérité qui
émeut. Dans ce registre, j’ai particulièrement apprécié « Manka »,
une nouvelle qui met en scène une jeune factrice un peu sauvage, apeurée par la
découverte de ses premiers émois amoureux. Mais c’est en fait la nature qui
s’invite le plus au travers des nouvelles. Avec un immense talent, l’auteur
restitue les différents états de la forêt ou de la campagne, comme un tableau
changeant selon les heures du jour ou les saisons. Il ajoute à ce tableau une
palette sonore (est-ce sa carrière de musicien qui l’influence ainsi ?)
faisant bruisser la forêt et crisser la neige de mille manières. Cette dernière
devient presque un personnage à part entière, tant l’auteur sait trouver
d’adjectifs pour la qualifier. Iouri Kazakov n’est pas en reste non plus pour
décrire la mer et ses états tumultueux, la nouvelle « Manka »
comporte une scène de relevé de filets sous la tempête absolument prodigieuse. Précisons
que « Manka » est dédiée à Constantin Paoustovski, un autre nouvelliste
russe que je ne connaissais pas et qui, d’après les rapides lectures que je
viens de faire, avait aussi le don, de magnifier dans ces textes, la Russie
rurale. Est-ce par ce qu’elle a été autant malmenée à l’époque du stalinisme que
cette Russie là a été défendue de manière aussi poétique et sincère par certains
auteurs ? Mais si on en discutait autour de ce thé qui nous attend...
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