dimanche 5 juillet 2015

La Petite Gare de Iouri Kazakov

Un rectangle jaune dans la nuit, la fenêtre éclairée d’une isba : l’envie de s’approcher et de regarder à l’intérieur. L’ensemble est sobre, presque austère. Dans un angle, un poêle ronfle et sur une table basse, un thé qu’on devine réconfortant laisse échapper ses volutes fumantes. Ce pourrait être le décor d’une des nouvelles de Iouri Kazakov, nouvelles écrites entre 1954 et 1958 et rassemblées dans cet ouvrage. Des scènes de vie qui animent des protagonistes ordinaires magnifiés par la justesse de leurs sentiments. Leurs histoires amoureuses sont parfois contrariées, parfois balbutiantes voire maladroites mais toujours présentées avec une sincérité qui émeut. Dans ce registre, j’ai particulièrement apprécié « Manka », une nouvelle qui met en scène une jeune factrice un peu sauvage, apeurée par la découverte de ses premiers émois amoureux. Mais c’est en fait la nature qui s’invite le plus au travers des nouvelles. Avec un immense talent, l’auteur restitue les différents états de la forêt ou de la campagne, comme un tableau changeant selon les heures du jour ou les saisons. Il ajoute à ce tableau une palette sonore (est-ce sa carrière de musicien qui l’influence ainsi ?) faisant bruisser la forêt et crisser la neige de mille manières. Cette dernière devient presque un personnage à part entière, tant l’auteur sait trouver d’adjectifs pour la qualifier. Iouri Kazakov n’est pas en reste non plus pour décrire la mer et ses états tumultueux, la nouvelle « Manka » comporte une scène de relevé de filets sous la tempête absolument prodigieuse. Précisons que « Manka » est dédiée à Constantin Paoustovski, un autre nouvelliste russe que je ne connaissais pas et qui, d’après les rapides lectures que je viens de faire, avait aussi le don, de magnifier dans ces textes, la Russie rurale. Est-ce par ce qu’elle a été autant malmenée à l’époque du stalinisme que cette Russie là a été défendue de manière aussi poétique et sincère par certains auteurs ? Mais si on en discutait autour de ce thé qui nous attend...

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