lundi 3 juin 2019

Si tu passes la rivière de Geneviève Damas

Franchir la rivière, c'est l'interdit formel prononcé par le père, un homme bourru dont on ne conteste pas les ordres. C'est l'interdit qu'a pourtant bravé Maryse, la fille aînée laissant derrière elle, le petit frère, "Fifi", pour qui elle était l'unique source de tendresse et d'attention. Il est le narrateur de cette histoire et, à l'entendre, on l'imagine encore dans le temps de l'enfance alors qu'il n'en est rien. Fifi, François n'a pas les mots pour poser les questions qui le taraudent : pourquoi sa sœur s'est-elle enfuie de la ferme et surtout, qui était la mère qu'il n'a pas connue ? 
Geneviève Damas parvient à nous rendre ce phrasé simple des gens à qui on n'a jamais vraiment parlé, qu'on a laissé dans l'ignorance des mots, des lettres et qui ne peuvent s'enfuir car la peur les étreint. Pourtant, l'obstination est là, têtue, qui cherche ses réponses malgré les non-dits car on ne peut indéfiniment vivre sans mots.
Je découvre la plume de cette auteure belge avec ce court roman, lu d'une traite et je dois remercier Latina de la communauté babeliote pour cet excellent moment de lecture. 
Ce qui m'a semblé particulièrement réussi d'un point de vue stylistique dans ce livre, c'est le parallèle entre la progressivité du langage acquis et l'émancipation de Fifi. émancipation qui passe par une réassurance sur ses origines (ou pour le moins, une "connaissance") tant il est vrai qu'il est difficile de voler en-dehors du nid si on ignore quelle patience, quelle douce attention ont permis de le construire.
Dans un format relativement court, Geneviève Damas explore, d'une plume habile, différentes pistes qui nourrissent sa trame narrative : c'est particulièrement efficace et réussi !

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