mercredi 11 juillet 2018

Quand j'essaie de parler de mes lectures après plusieurs semaines...voire plusieurs mois /2

Et quand je suis encore plus en difficulté pour le faire car il s'agit de textes essentiellement poétiques...
Je me serais bien contentée d'une chronique en images...
Après tout, dans cette gamme de rose et gris, elles sont si joliment assorties.
Mais ces lectures méritent un petit effort...

Un monde en fragments de Pierre Barré est publié par une toute jeune maison d'édition basée à Metz, L'Atteinte. C'est un livre soigné, avec une indéniable recherche de mise en forme : une police d'écriture a été créée spécialement pour l'ouvrage. J'ai trouvé une vraie cohérence entre le texte et la ligne que s'est fixée la maison : "Notre intention est d'exposer une littérature à clef qui respecte l'intelligence du lecteur sans trop le flatter". En effet, c'est un livre qui demande un petit effort mais les indices sont quand même suffisants pour que l'on s'y retrouve, la juste dose d'explicite pour donner du sens à l'ensemble. 


Récemment, ma librairie a choisi de mettre à l'honneur la maison d'édition Le Tripode et d'organiser une rencontre (je n'ai pas pu y aller ce qui est bien dommage). Autant dire que nous disposions d'un large choix et j'ai opté pour deux ouvrages très poétiques.

Minuit en mon silence de Pierre Cendors est conçu sous la forme d'une longue lettre d'amour rédigée par un officier allemand en septembre 1914 à l'attention d'une jeune femme rencontrée à Paris avant la guerre. On saura peu de choses de cette rencontre car on comprend très vite que cela serait hors de propos dans ce livre à la tonalité à la fois lyrique et sombre. 
Un mot sur le nom de l'auteur, comme moi, vous avez peut-être noté la proximité sonore avec Cendrars et ceci d'autant plus que l'auteur suisse a été engagé volontaire pendant la Grande guerre, le payant d'ailleurs d'un lourd prix sur le plan physique. Si vous avez envie d'en apprendre davantage sur cette ressemblance des deux pseudonymes, quelques recherches sur Internet vous éclaireront mais l'auteur (je parle de Cendors) reste malgré tout entouré d'un halo de mystère et ses livres sont parfois décrits comme "indéfinissables" (ça ne m'étonne donc pas que je rame pour écrire ce billet).
La tonalité de ce livre est éminemment poétique, tendue vers cet amour idéalisé que le lieutenant Heller éprouve pour la belle Else, une inconnue ou presque. Leur conversation n'a duré que quelques heures. A un moment, cependant, la jeune femme s'est troublée, trahissant une émotion un peu plus forte. Heller emporte ce trouble avec lui comme un joyau et n'en demande pas davantage. Il n'espère rien d'autre, cette absence sublimée lui suffit. Ce chant d'amour est servi par une écriture magnifique et l'on comprend la référence à Rilke en quatrième de couverture.
Mais le livre comporte aussi une profonde intériorité. Heller ne pense pas que la guerre l'épargnera. Il se livre donc à une sorte d'introspection philosophique ou métaphysique tout en rendant hommage aux poètes. Les références au mythe orphique imprègnent l'ensemble du texte. Le personnage de l'Ordonnance du lieutenant, est particulièrement sublime, à la fois grave, pur, insaisissable et pourtant... Bien entendu, il le surnomme Orphée. D'autres références littéraires émaillent ce petit bijou poétique à l'érudition douce. Je vous invite fortement à les découvrir. 


Cette année quelque peu trépidante m'a donné envie de me tourner vers ce petit livre, Les pas d'Odette qui, avec sa couleur rose tendre, s'annonçait tout en douceur et en rondeur. Il est également publié par la maison Le Tripode.

Si je savais écrire, c'est ainsi, avec cette justesse de mots et cette infinie tendresse que j'aimerais parler de ma grand-mère. C'est en fait pour sa mère, Odette, devenue une dame très âgée, "mémé et arrière-mémé" que Patrick Da Silva a écrit ce magnifique texte. Pour retracer son parcours, l'auteur utilise, de manière très poétique, le procédé de la concaténation. Un mot en pousse un autre, un pas entraîne un pas, tant de pas depuis l'enfance, des pas d'écolière, puis rapidement des pas de labeur, des pas d’épouse, de mère et de grand-mère et désormais des pas menus. Tant de pas qu'il est impossible de les compter. L'écriture de l'auteur nous emporte dans une sorte de ritournelle nostalgique où chacun pourra repenser avec douceur aux souvenirs d'une mamie, mémé ou mémère (la manière de l'appeler ne se discute pas) et j'y ai bien sûr reconnu, avec beaucoup d'émotion, un peu de la mienne.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire