dimanche 9 avril 2017

Un été à quatre mains de Gaëlle Josse


87 pages de délicatesse et de tendresse sans mièvrerie aucune. J'aime quand la plume d'un auteur entoure de son affection un personnage. Dans un "Avant-lire", Gaëlle Josse nous confie à quel point la musique de Schubert l'accompagne et la touche depuis longtemps. "Schubert parle au cœur, en accompagnant les plus ténus, les plus impalpables de nos états émotionnels intérieurs, sa musique nous atteint avec une désarmante simplicité, comme la main d'un ami posée sur notre épaule". C'est donc en amie qu'elle lui rend hommage dans ce court roman qui, prévient-elle, n'est pas oeuvre de biographe, ni de musicologue. 
Elle ancre cependant son récit dans des éléments biographiques avérés, celui du deuxième séjour que fit Schubert au cours de l'été 1824, dans la propriété hongroise de la riche famille Esterhazy, à Zseliz. Engagé comme six ans auparavant en tant que maître de musique pour les deux jeunes filles de la maison, le compositeur n'est pas spécialement à son aise dans ce milieu fortuné où il lui faut soigner son apparence et ses manières. Mais lui qui est constamment sans le sou a été pressé par ses amis de Vienne d'accepter ce poste, bien rémunéré et reposant pour sa santé précaire. Il s'est laissé convaincre, persuadé que cet emploi de répétiteur, même associé à l'obligation de créer quelques compositions plaisantes pour les jeunes comtesses lui laissera le loisir d'être inspiré pour des œuvres de plus grande envergure. C'est avec une grande tendresse que Gaëlle Josse nous dépeint ce compositeur au génie précoce, mal payé de retour dans cette Vienne mélomane où la concurrence est rude. A 27 ans, il a  acquis une certaine notoriété mais ne parvient pas à accéder à la gloire. Malgré le soutien du plus célèbre baryton de l'époque, il est trop timide et ne sait ni flatter ni séduire dans les salons. Courtaud et maladroit, pas franchement beau, il n'aime rien tant que composer librement dans une petite chambre pour jouer ensuite ses compositions devant ses amis réunis dans l'ambiance chaleureuse d'un café viennois. C'est un homme déjà fort mélancolique, marqué par les années austères de l'internat, par des échecs sentimentaux qui découvre en la personne de sa jeune élève, Caroline Esterhazy, moins brillante que sa sœur aînée,  non pas une fiancée éventuelle_leurs conditions sociales sont trop différentes_ mais une semblable de cœur et de tempérament. Composer des œuvres à quatre mains et susciter ainsi le trouble de quelques frôlements, voici tout ce que le jeune compositeur peut s'autoriser, mais peut-être est-ce déjà trop demandé...
L'écriture sensible et visuelle de Gaëlle Josse permet à l'imagination de se projeter en compagnie de Caroline et Franz dans le salon cossu du château de Zseliz. On se sent un peu comme un ami qui les observerait, attendri par cette romance et cette complicité musicale. On ne sait si l’inclination du compositeur pour la jeune comtesse a été réciproque. Gaëlle Josse dont l'écriture est tout en délicatesse  ne nous imposera rien mais nous laissera le choix de l'interprétation...

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