lundi 12 août 2019

La crue de Amy Hassinger

Couverture magnifique, grain très agréable de la couverture
et des pages, typographie originale, je découvre avec plaisir cette maison
 d'édition, "Rue de l'échiquier".
La crue, roman de Amy Hassinger, à l'édition soignée (grain du papier, choix typographiques...) traduit de l'Américain par Brice Matthieussent se déroule pour l'essentiel dans le Wisconsin. Grands espaces, rivières à poissons, lac et forêts, c'est un livre qui fait respirer à pleins poumons même si une histoire de barrage vient quelque peu entraver le cours naturel des choses. Le matériau narratif de ce roman est particulièrement riche car il fonctionne en quelque sorte par strates. La strate personnelle est centrée sur l'histoire de Rachel Clayborne, jeune femme dans la trentaine, universitaire et récemment maman qui fait le douloureux constat de se retrouver embarquée dans une vie qu'elle n'a pas choisie. Le portrait psychologique est finement brossé et j'ai apprécié que l'auteure sache rendre compte de la complexité des sentiments ressentis, notamment ceux concernant la maternité. A priori, Rachel a tout pour être heureuse et pourtant, elle étouffe. 
La deuxième strate est plus globale. Elle fait intervenir les dépossessions de terres dont ont été victimes les Amérindiens, en l’occurrence la tribu des Ojibwés. Pour réparer, à sa mesure, ce préjudice, une vieille dame malade, Maddy Clayborne (la grand-mère de Rachel) a pris la décision de léguer sa propriété à son infirmière, Diane Bishop, originaire de cette tribu. Mais voilà, qu'après plusieurs années d'absence, Rachel réalise son attachement à cette maison, la Ferme, où enfant, elle se sentait pleinement en phase avec la nature, avec elle-même, grandissait, prenait de l'assurance, bref promettait de devenir une adulte accomplie et épanouie... Encore une fois, l'auteure, Amy Hassinger, va très bien rendre le conflit intérieur de Maddy, tiraillée entre son souci de justice et la prise en compte des sentiments de sa petite-fille.
Enfin, l'autre strate, est d'approche environnementale. Elle permet de prendre la mesure des dégâts engendrés par certains barrages (dont la production électrique nous est présentée presque comme quantité négligeable) sur les écosystèmes des rivières, notamment sur les poissons marins (gaspareaux, aloses et esturgeons) qui ont besoin d'en remonter le cours et qui, de fait, sont sacrément contrariés par ces murs de béton sur leur chemin. Je suis assez inculte dans ce domaine et j'ai apprécié d'en apprendre plus à l'occasion de cette lecture. Le chapitre (ou plutôt "le livre" car le roman est subdivisé en 5 livres) qui évoque cette problématique, mise en lumière par un certain nombre d'associations est celui, à mon sens, où l'écriture est la plus travaillée car j'avoue une légère déception de ce côté. Non pas que ce soit mal écrit mais bon, je m'attendais à quelque chose de plus soutenu sur l'ensemble du roman.
Autre bémol, j'ai trouvé que le roman comportait quelques longueurs. J'aurais apprécié que l'intensité de l'histoire se dégage un peu plus vite. Mais ce ressenti vient peut-être des habitudes de lecture que j'ai prises en évitant de plus en plus souvent les pavés.
Cependant, ce qui m'a semblé le plus réussi dans ce roman, ce sont les parallèles que l'on ne peut s'empêcher de faire sur les effets d'une nature par trop contenue, les aspirations profondes mais étouffées d'une personne ou le tracé autrefois sauvage d'une rivière, canalisé à grands renforts d'ouvrages anthropiques. Peut-on, sans risques, brider, dompter ce qui ne demandait qu'à être impétueux ou pour le moins, naturel ?

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