dimanche 6 janvier 2019

Chien-Loup de Serge Joncour

Valérie, merci de m'avoir prêté ce magnifique
 livre qui m'a permis de découvrir la plume de Serge Joncour
Eté 1914, le village d'Orcières-le-Bas, comme tous les villages de France, s'apprête à basculer dans la guerre. Ici, dans ce coin du Lot, on est loin du front mais la guerre, c'est d'abord les hommes qu'il faut remplacer dans les champs, sans tarder, car la moisson est là qui exige son travail harassant. Alors, on s'organise, on garde les enfants comme on peut et on s'y met avec des outils trop lourds, inadaptés. On supplée les hommes mais aussi les bêtes, bien souvent réquisitionnées. On n'ose pas penser à son inquiétude. De toute façon, on tombe de fatigue le soir en rentrant. Et puis on comprend qu'après cette récolte, il faudra poursuivre encore et encore ce labeur harassant car on n'en a pas fini avec cette guerre. Alors, quand un dompteur allemand demande au maire l'autorisation de mettre à l'abri ses fauves tout en haut du mont d'Orcières, ce mont qui fait peur aux villageois, le maire se dit qu'au moins, ça fera un homme valide.
Un siècle plus tard, Lise, une ancienne actrice à la recherche d'un lieu de vacances sans aucun réseau tombe sur une annonce de location, un gîte, quelque part sur un causse du Quercy. Après avoir vaincu la réticence de son mari, Franck, un producteur de cinéma, qui vit constamment dans un environnement professionnel connecté, le couple s'installe dans cette maisonnette rustique, posée comme un îlot dans un paysage immense, sauvage et somptueux (merveilleusement bien décrit par l'auteur) avec pour seule compagnie, une sorte de molosse qui tient presque autant du loup que du chien. 
Voici le contexte de ces deux histoires qui n'ont, a priori, rien à voir ensemble et que Serge Joncour va habilement mener, en alternant les chapitres, mais pas seulement comme deux fusées parallèles dont on pressent qu'elles vont, à un moment donné, se rejoindre mais bien comme deux trames narratives dont les porosités, réflexives, sont tissées de manière subtile. Lise, comme Joséphine un siècle plus tôt (je vous laisse découvrir ce très beau portrait de femme) est en quête d'elle-même. A quelles violences nouvelles le monde contemporain expose-t-il ? Ce roman, imprégné de la figure fascinante et magistrale des lions, de celle, plus secrète, des loups, questionne différentes formes de prédation, celles de l'animal, immuables, naturelles et celles de l'Homme, bien plus pernicieuses. 
J'ai découvert la plume de Serge Joncour avec ce roman et autant dire que je vais m'empresser d'aller lire ses autres ouvrages car, grâce à lui, j'ai mis fin à une sorte de panne de lecture qui commençait à m'inquiéter. En retrouvant ce livre chaque soir, je me suis rappelée pourquoi j'aime lire, pourquoi j'y consacre une bonne partie de mon temps libre, souvent au détriment de mon sommeil mais qu'importe, j'ai eu de l'empathie pour ces paysannes qui ployaient sous le harnais, je me suis émue de la sensualité de Joséphine et de la délicatesse de Lise, j'ai été impressionnée par les biceps du dompteur, j'ai eu peur des lions et du molosse, j'ai visualisé dans les moindres détails ce paysage grandiose, j'ai réfléchi sur le sens de beaucoup de choses, j'ai fait des suppositions sur le dénouement et j'ai été surprise, j'ai tourné les pages avidement puis j'ai lu les dernières très lentement afin de les économiser et bien sûr, après, j'ai continué à penser à ce roman et à me réjouir de ce que je pourrais en dire car pour moi, c'est tout cela la lecture, à la fois la perspective motivante d'ouvrir un bon livre, la jubilation de le découvrir avec la farandole de sentiments et de réflexion que cela convoque mais aussi le plaisir d'en parler, de partager un peu de ce "hors-temps" si singulier et bien souvent renouvelé. 

1 commentaire:

  1. lu egalement et dégusté à petite gorgée pour en profiter longtemps...
    un vrai moment de déconnexion qu 'on attend avec gourmandise pour sortir de l'ordinaire du quotidien.

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