dimanche 30 octobre 2016

Le nouveau nom de Elena Ferrante

Bon les filles, je vous suis depuis que vous êtes petites donc faudrait voir à pas m'énerver parce que franchement là... Lila, t'en as pas marre d'être aussi excessive, impossible et imprévisible ? Lena, t'en as pas assez de toujours suivre, de jamais avouer tes vrais sentiments, bref d'être toujours en retrait ? Quand est-ce que tu vas t'affirmer ? Tu fais pourtant des études, toi, tu t'instruis, tu t'accroches malgré tes origines modestes, alors ? Bon d'accord, t'as pas le statut de femme mariée, t'es pas riche et parfois l'acné ne t'avantage pas. Qu'est-ce que t'as pu être gourde à lui livrer ton Nino sur un plateau mais tu sais bien qu'elle les fascine tous, à commencer par son mari Stefano qui l'aime malgré sa maladresse mais aussi les Solara, les rois des trafics du quartier qu'elle méprise pourtant depuis l'enfance mais qui la convoite comme un trophée supplémentaire. Ils s'inclinent tous devant sa beauté mais peut-être davantage encore devant son intelligence et l'intensité qu'elle donne à toute chose.
Tu lui en as voulu  ? Oui, ben moi aussi. Ah et puis, autant te le dire puisque tu es la narratrice-auteur, les vacances à Ischia, j'ai trouvé ça assez longuet, j'aurais apprécié que tu nous densifies le tout car normalement on était là pour s'oxygéner un peu, déjà qu'on s'était bien englué dans les histoires du quartier, entre les épiceries, la boutique de chaussures, les ambitions des uns, les commérages des autres bref on avait envie d'autre chose et j'ai failli vous dire, bon, on se revoit quand vous aurez passé votre crise (d'ados ? d'adultes ?) sauf que c'est pas si simple...
D'abord parce que ce n'est pas une crise d'ados, concept hors de propos pour les années cinquante où on pouvait se retrouver marié(e)s à 16 ans. Ensuite parce que justement, Lila, avec ton air de "j'ai tout le monde à mes pieds", faudrait peut-être se rappeler que tu n'es pas capricieuse et emmerdeuse mais simplement pas heureuse malgré l'ascension sociale, les habits, l'appartement neuf et comment pourrait-on l'être quand on t'a privée d'école dès 11 ans et poussée vers le mariage très jeune ? Et en plus, tu sais pas faire semblant, les compromis, la résignation, c'est pas pour toi. Léna, non t'es pas gourde, désolée, t'es juste une fille plus réservée qui traine un complexe d'infériorité gros comme une glace italienne et faut dire que malgré le collège, le lycée et bientôt l'université, ça te colle à la peau, ça s'infiltre dans ta valise, le quartier, tes origines, ton accent napolitain voire le dialecte que tu as pourtant pris la peine de contenir le plus possible pour adopter un langage policé censé ne pas te trahir.
Et puis, ce livre, c'est comme le quartier, ça énerve, ça étouffe presque mais c'est addictif. Lila, je me suis inquiétée pour toi, t'as beau être intelligente,  être capable d' apprendre n'importe quoi et savoir le faire ensuite mieux que personne, je me suis quand même demandée comment tu allais te sortir d'une certaine situation (non, je ne dis pas laquelle mais on comprend que tu risquais gros). Avec ça que Léna t'en voulait et était partie pour Pise à l'université... mais quand même, te retrouver dans cette usine immonde où ton côté grande-gueule te garantissait d'être ballotée sur les pires postes et toi, comme une reine dans cette puanteur, libre, déterminée, toujours aussi entière avec en réserve une sorte d'énergie sauvage. Léna, t'as bien fait d'aller la voir, de lui redonner La fée bleue, ce petit livre magnifique qu'elle avait écrit à 10 ans parce que oui, c'est ton amie et oui, elle est prodigieuse.
Mais non, je ne suis pas fâchée et bien sûr que j'ai envie de savoir ce que vous allez devenir et puis, Léna, tu sais ce que tu as entrepris sans trop y croire, oui écrire, j'ai le sentiment que pour une fois, tu peux te faire confiance et poursuivre dans cette voie car je pense que ton histoire, elle va beaucoup plaire. Allez, à bientôt les filles...

 Delphine-Olympe a également adoré retrouver Lila et Lenù

2 commentaires: