vendredi 30 septembre 2016

Sorbonne plage de Edouard Launet

La première chose que j'ai faite en rentrant de la librairie avec ce livre, c'est d'ouvrir un célèbre globe virtuel en ligne et de localiser cette plage qui se présentait sous des airs parisiens mais correspondait en fait à une réalité bretonne. Je voulais l'observer sous différentes échelles, apprécier son relief que j'imaginais escarpé et sa manière de rencontrer la mer. Ce n'est qu'une fois rassasiée de ces informations géographiques que j'ai commencé la lecture de cet ouvrage qui tient d'ailleurs bien plus de l'enquête que du roman. Edouard Launet retrace ce que fut ce bout de côte bretonne coincé entre Paimpol et l’île de Bréhat pour un petit groupe d'universitaires du début du siècle, la plupart des scientifiques (physiciens, chimistes) comme en témoigne son autre surnom, "Fort la science".
Pourtant, à l'origine, on trouve un historien, Charles Seignobos, (un chemin porte d'ailleurs son nom) et un médecin, Louis Lapicque. Ils  vont dénicher cette presqu'île de l'Arcouest et en faire une villégiature régulière en achetant de vastes parcelles de lande qui n'intéressaient alors pas grand monde. Autour des deux amis, qualifiés de "pères fondateurs", une petite colonie va alors rapidement se former, l'été. Dès les années 20, le gratin de la physique (Jean Perrin, bientôt suivi de sa consoeur et amie, l'impressionnante Marie Curie, déjà deux fois nobellisée à cette époque), des mathématiques (Emile Borel, reçu premier à Polytechnique, à Normale Sup et à l'agrégation, excusez du peu) et de la chimie (Victor Auger) aime à estiver ensemble sur la côte du Goëlo, prolongeant dans ce cadre vivifiant des amitiés souvent nées dans le creuset de l'Ecole normale ou  de la cause dreyfusarde.
Entre excursions en mer et bains de soleil, l'élite intellectuelle sort le nez de ses travaux, de ses laboratoires souvent poussiéreux, se ressource tout en cultivant l'entre-soi. Mais tout aussi rafraichissantes qu'elles aient pu être, les aventures estivales de la "Science en goguette" n'auraient pas suffi pour justifier à elles-seules ce solide travail d'enquête. L'auteur nourrit en effet une autre ambition , comprendre comment ces universitaires brillants, animés bien sûr par la soif du progrès scientifique mais également portés par un idéalisme humaniste, convaincus de pouvoir associer le tout, ont pu contribuer, par l'émulation de leurs découvertes respectives, à l'élaboration de l'arme nucléaire.
Avec une écriture précise et soignée, Edouard Launet mène une enquête documentée,  réflexive et pédagogique (nul besoin d'être spécialiste pour comprendre). J'aurais juste apprécié une petite carte, une traditionnelle, en papier, parce qu'après toute cette physique-chimie, un peu de géographie tout de même...

3 commentaires:

  1. J'avoue qu'au début de ta chronique, je n'étais pas très convaincue par le sujet... Mais arrivée à la fin, je me dis que ce livre doit être pas mal en fait. Toutefois, je n'ai pas l'impression qu'il ait soulevé chez toi un enthousiasme délirant, si ?

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    1. Je pense que j'aurais aimé un peu plus de romanesque mais ce ne serait pas honnête de reprocher à ce livre ce qu'il n'est pas et ne prétend pas être, un roman. Edouard Launet emploie toujours le mot enquête. C'est vraiment très bien écrit mais il n'y a pas de dialogues, pas vraiment non plus d'approche psychologique des personnages. On les voit cependant évoluer en détail dans leurs ambitions professionnelles et scientifiques.
      Intéressant aussi, l'auteur établit des liens avec l'histoire locale, parfois dramatique, des naufrages de marins...
      Au milieu du livre quand la plupart des personnages étaient présentés, j'ai trouvé ça un peu long, c'est vrai et puis toute la fin du livre est vraiment intéressante car il explique toute cette émulation autour de la création de l'arme nucléaire (entre équipe américaine et équipe française bridée par l'Occupation).
      Je sais aussi que je l'ai lu par petits bouts, accaparée que je suis par le travail, la réforme...

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    2. Ah oui, ça, ça ne doit pas être de la tarte. Moi-même, en tant que parent, je suis assez perplexe… que ce soit au niveau du collège ou de la primaire, d'ailleurs. Je pense qu'il va falloir un certain temps pour que ça se mette en place. Il y a des pistes intéressantes, à mon avis, mais aussi des choses plus discutables. Mais c'est un autre - et long - débat !

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