lundi 1 février 2016

Rhapsodie française de Antoine Laurain

Ni chapeau ni sac à mains égarés, cette fois-ci, c'est une musique qui sert de fil directeur au nouveau roman d'Antoine Laurain. Quoi que, pour être exacte, quelque chose s'est quand même égaré, une lettre, coincée pendant 33 ans sous une armoire de tri particulièrement possessive. Un courrier qu'Alain Massoulier aurait vraiment apprécié de recevoir quand il avait 20 ans et qu'il appartenait aux Hologrammes, un groupe de rock, fébrile à l'idée de tenir un tube avec son titre phare " we are made the same stuff dreams are made of" ("nous sommes faits de la même matière que les rêves"). Cette réponse positive d'une maison de disques à l'envoi de leur cassette (nous sommes alors au début des années 80 quand les supports de la musique avaient encore ce côté saisissable et concret, telles des espèces sonnantes et trébuchantes) aurait-elle pu infléchir le parcours des membres du groupe ? Planté dans une cinquantaine un peu molle, englué dans sa routine de médecin généraliste comme son père avant lui, Alain ressasse les rêves de sa jeunesse perdue et sa nostalgie un peu amère est telle qu'il doit la partager avec les autres. Le carnet d'adresses géant que constitue désormais un moteur de recherches très souvent sollicité lui permet de reprendre facilement contact avec l'ancien joueur de synthé ("claviériste", me dit le Larousse mais il me semble que l'usage de ce mot est peu répandu), ainsi qu'avec l'ex-batteur et l'ex-bassiste. La rencontre avec ces personnages permet à l'auteur d'aborder non sans mordant le monde de l'art contemporain comme celui de la politique. D'une création délirante en forme de structure gonflable géante représentant un cerveau humain (celui de son créateur), en passant par le discours haineux d'un facho assumé, cette rhapsodie française nous propose une mélodie un peu grinçante pour figurer la France d'aujourd'hui. Est-ce pour renforcer le côté "c'était mieux avant" ? L'effet est peut-être voulu mais cela manque d'un charme certain et j'étais restée sur celui, indéniable, de La femme au carnet rouge. Heureusement, l'intrigue entre l'ex-chanteuse, le producteur de l'époque et son assistante apportent un peu de romanesque rafraîchissant. Il est dommage que cette histoire semble un peu détachée du reste car Alain renonce en fait à prendre contact avec l'ancien producteur de leur groupe, un jeune homme brillant devenu un magnat de l'économie numérique et promis à toutes les ambitions politiques. J'aurais apprécié que le fil directeur choisi joue vraiment son rôle et donne davantage de cohérence à l'histoire. Il est vrai que mon sentiment de lecture est assez influencé par la comparaison que je ne peux m'empêcher de faire avec les précédents ouvrages d'Antoine Laurain mais l'utilisation du même ressort, un objet perdu amène aussi quelque peu à apprécier ce livre à l'aune des précédents. L'enthousiasme n'a pas été le même, je ne me suis pas vraiment sentie embarquée dans l'histoire mais cela peut tout à fait être le cas d'autres lecteurs qui l'apprécieront pour son écriture agréable, son tableau varié et légèrement caustique de la France contemporaine.

7 commentaires:

  1. Comme je n'ai jamais lu cet auteur, j'espère quant à moi être embarquée, puisque j'ai ce livre à la maison... A vrai dire, j'ai comme un peu peur que ce soit un peu tarte à la crème. On verra bien !

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    1. Après les deux que tu viens de lire, je te conseille une petite transition avant...

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    2. Bon ben, j'en ai lu la moitié... et puis j'ai laissé tomber. Un peu trop gentillet à mon goût, même s'il y a de savoureux petits moments.

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    3. Si tu as l'occasion, essaie du même auteur, "La femme au carnet rouge". Je pense que ça te plaira davantage.

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  2. J'ai bien aimé "La femme au carnet rouge" mais "Le chapeau de Mitterrand" est encore mieux.
    Par contre, au vu des nombreuses critiques négatives qui fleurissent, je n'ai pas du tout envie de m'attaquer à son nouveau livre...

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    1. Tiens, moi, j'avais préféré "La femme au carnet rouge" par rapport au "chapeau de Mitterrand".
      Oui, je comprends votre choix par rapport à Rhapsodie française.
      Sinon merci de votre passage sur mon blog...Je suis allée voir le vôtre. Moi aussi, je suis intéressée par "L'autre Joseph" (Je lis les billets de Delphine-Olympe), je suis revenue de la librairie aujourd'hui-même avec !

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    2. J'ai un avis plus positif que Delphine Olympe sur L'autre Joseph. Je le trouve captivant . Je surveille donc la parution de votre billet...

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