lundi 25 juin 2018

Smith & Wesson d'Alessandro Baricco

L'association de leurs noms était improbable, celle de leurs prénoms le sera tout autant mais je préfère vous laisser découvrir. Qu'est-ce qui réunit Smith et Wesson au pied des chutes du Niagara en 1902 ? L'un est météorologue statisticien, inventeur malchanceux, l'autre repêche les suicidés en bas de la cascade. Arrive alors la jeune Rachel Green, journaliste bien décidée à être reconnue comme telle par ses pairs (et on comprend qu'en 1902, pour une femme, c'était loin d'être gagné) à la condition d'obtenir un scoop mémorable ou à défaut, de le créer. 
Aucun des livres d'Alessandro Baricco que j'ai lus ne se ressemble sur le plan de la trame narrative mais tous ont en commun une incroyable musicalité dans leur écriture. Il faut dire que l'auteur est également musicologue. Ce nouvel opus, écrit sous la forme d'une pièce de théâtre s'articule en différents mouvements associés chacun à un tempo : "allegro", "allegro andante"... Le cinquième mouvement, "molto allegro", est mené sur un rythme effréné et Baricco nous l'explique dans une longue didascalie (kinésique ?), nous associant ainsi à sa facétie.
L'alternance des répliques provoque à plusieurs reprises un humour assez cocasse. Mais ce livre n'est pas qu'amusant. Il délivre quelques messages bien sentis sur la difficulté à être soi-même, à exister réellement voire même sur le désespoir qui peut en découler. Un livre qui me laisse une sensation de tourbillon comme ceux de la rivière car il est à la fois espiègle, inventif, teinté d'une forme d'authenticité (on sent que l'auteur a fait quelques recherches sur la fascination qu'a pu exercer cette fameuse cascade) sans oublier son aspect plus trouble.
Baricco arrive à se renouveler tout en restant fidèle à sa ligne d'écriture tout en musicalité. Magnifique. 

dimanche 24 juin 2018

Quand j'essaie de parler de mes lectures après plusieurs semaines...voire plusieurs mois/1

Une année particulièrement chargée m'a tenue loin de ce blog. Accaparée par un écrit professionnel, je n'ai pas réussi à être suffisamment disponible intellectuellement pour rédiger mes chères petites chroniques. A défaut de pouvoir écrire des billets complets car ces lectures remontent à quelques semaines voire à quelques mois, je vais tenter d'en dire un petit quelque chose quand même...
Premier billet, à suivre...

 Je découvre Pauline Dreyfus avec Le Déjeuner des barricades et je m'aperçois que dort dans ma PAL, un de ses livres plus anciens (2014), Ce sont des choses qui arrivent. D'emblée, j'ai aimé l'écriture maîtrisée de cet auteur. Le Déjeuner des barricades, c'est mai 68 vu depuis le décor feutré de l'Hôtel Meurice. Décalage original. On y croise un microcosme mondain et littéraire (mais pas que) vaguement agacé par ce qui se passe à l'extérieur, une certaine agitation... Mention particulière pour avoir mis en scène de manière particulièrement touchante le jeune Patrick Modiano venu recevoir son prix littéraire... Ce sont des choses qui arrivent, un livre plus profond qui a pour personnage principal, Natalie, princesse de Lusignan et duchesse de Sorrente, femme du monde que la guerre ne semble pas vraiment concerner jusqu'à ce qu'elle en apprenne un peu plus sur son ascendance. Mais pourquoi avoir laissé ce très beau livre traîner dans ma PAL si longtemps ?

Je voulais découvrir Valérie Tong Cuong dont j'avais entendu parler (en bien) ici ou là sur la blogosphère. J'ai adoré. Livre lu en novembre, chronique commencée dans l'enthousiasme de l'après lecture, chronique toujours à l'état de brouillon. Pourquoi ?  Lorsque j'ai vraiment aimé un livre, il m'arrive de tergiverser. Par quoi commencer ? Quelle accroche ? "Mais non, cesse de vouloir faire un exercice d'écriture, c'est le livre que tu défends." Bref, ces petits débats avec moi-même pouvant se révéler assez contre-productifs, j'ai décidé d'écrire cette petite chronique sans trop me poser de questions, l'essentiel étant de vous faire partager mon enthousiasme de lectrice.
Le contexte du livre (quand ça me rappelle le boulot...) : celui de la Seconde guerre mondiale, l'exode de deux familles (femmes et enfants car les hommes sont mobilisés, les 2 femmes sont sœurs) qui fuient Le Havre sur leurs bicyclettes. Quand on a lu le magnifique et bouleversant Suite française d'Irène Némirovsky, on craint la comparaison mais non, en fait, le livre tient ses promesses. Après l'exode, le retour bien évidemment et rapidement les difficultés de la guerre, la pénurie, les hommes prisonniers on ne sait où, les bombardements, particulièrement dans cette ville portuaire. Les différents personnages sont tout en finesse psychologique. Et puis, on sent que l'auteur aime ses personnages, elle les enveloppe d'une forme de tendresse et moi, j'aime quand un auteur aime ses personnages. La guerre les façonne, chacun fait ses choix, a ses raisons d'agir mais la guerre oblige aussi à se taire, à dissimuler, à masquer ses faiblesses ou à les transcender. Amour, courage, résilience, un tableau assez complet de la guerre, une vaste fresque des sentiments humains.